Communiqué 10 janvier 2020
NON AU CAPES BLANQUER
Dans la politique Macron-Philippe-Blanquer, tout fait système : le projet de réforme du CAPES, c’est la suppression de la qualification disciplinaire et de la liberté pédagogique. Notre statut et nos pensions sont en jeu ! Le retrait de la réforme des retraites est à l’ordre du jour partout pour abroger toutes les contre-réformes !
Le ministère de l’Education nationale a présenté un projet de réforme du CAPES qui prévoit de réduire drastiquement la part disciplinaire du concours, au nom de la « professionnalisation ». S’il est adopté, cette réforme sera appliquée dès la rentrée 2020.
Former un exécutant « pédagogique », et non plus un enseignant. Comme l’explique la déclaration publique des membres du jury de CAPES de philosophie, la discipline de recrutement serait désormais cantonnée à une épreuve sur quatre et à un sixième de la note globale. Parmi les épreuves nouvellement créées, l’une ne consisterait qu’en une évaluation des capacités des candidat(e)s à « animer » des séquences au contenu préfabriqué, et l’autre serait « une épreuve d’entretien sur la motivation du candidat et sa connaissance de l’environnement et des enjeux du service public de l’éducation, sa capacité à incarner et verbaliser les valeurs de la République et à se positionner en fonctionnaire » (sic!) Il est ainsi précisé que « l’oral d’entretien doit permettre au candidat de faire valoir son parcours, mais aussi de valoriser ses travaux de recherche. » Un tel projet suscite à juste titre l’indignation et l’opposition résolue des associations spécialistes et de très nombreux professeurs, comme en témoignent la récente tribune de 300 historiens et géographes dans le journal Libération et la position adoptée par les membres du jury de CAPES de philosophie, ainsi que les pétitions qu’ils ont proposées à la signature de leurs collègues pour demander son retrait. Ce projet de réforme du CAPES met en effet gravement en cause l’autonomie et la qualité des savoirs dispensés à l’Ecole et nie leur valeur d’émancipation critique, au profit d’une conception managériale qui vise avant tout à transformer le futur enseignant en exécutant docile d’une politique ministérielle : l’introduction des nouvelles épreuves du concours permet aux autorités éducatives de s’assurer de sa conformité idéologique.
Des conditions d’étude dégradées et une précarisation des étudiant(e)s se destinant au nouveau CAPES. Le projet de réforme du CAPES, s’il était adopté, se traduirait en outre par une dégradation considérable des conditions d’étude et une précarisation des étudiant(e)s engagé(e)s dans
les masters MEEEF (masters de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) : ils devraient en effet à la fois préparer un master, et assurer en deuxième année un stage en alternance, très peu rémunéré. en responsabilité devant les classes. Un tel projet aurait donc à la fois des conséquences extrêmement dommageables sur l’enseignement des disciplines comme sur les étudiant(e)s préparant les concours.
Ce projet de réforme du CAPES fragiliserait l’enseignement d’un certain nombre de disciplines et entraînerait leur disparition dans beaucoup d’universités. Un fossé considérable serait créé entre le CAPES et l’agrégation : contrairement à ce qui est le cas actuellement, les étudiantes et étudiants de master MEEF n’auraient plus la possibilité de présenter conjointement les deux concours. Pour les mêmes raisons, les candidates et candidats aux concours ne pourraient plus, de fait, poursuivre leurs recherches. Tout cela aurait pour conséquence de dissuader les étudiant(e)s de s’inscrire dans les nouveaux masters et de les faire disparaître dans un certain nombre de disciplines, particulièrement dans les universités de province. C’est l’existence institutionnelle même de ces disciplines (cas par exemple de la philosophie) qui se trouverait de la sorte clairement menacée, au mépris de l’égalité territoriale qui se trouve au cœur des « valeurs de la République ».
Ce projet est inséparable de la mise en œuvre de la loi de transformation de la FonctionPublique et du projet du gouvernement de « redéfinition » du métier d’enseignant. Ce projet ne peut pas être séparé de la politique du gouvernement dont l’ensemble des lois qu’il a fait adopter et des mesures qu’il a décidées, font système : la réforme du lycée et du baccalauréat, la loi de transformation de la Fonction Publique, la loi sur l’école de la confiance, dite loi Blanquer. La loi de la transformation de la Fonction Publique vise d’abord à faire perdre aux enseignants leur qualité de fonctionnaires d’Etat, en faisant disparaître leur statut, et le projet présenté par le ministre d’un CAPES régional en Guyane, le démontre, effaçant la distinction entre titulaire et contractuel, en généralisant la précarité. C’est elle qui donne sens à ce que J-M Blanquer appelle « la redéfinition du métier » qui implique l’effacement de l’enseignement disciplinaire, la multiplication des tâches, l’augmentation du temps de travail, la définition des services au niveau local, la subordination à un chef d’établissement-manager.
La nouvelle gestion des ressources humaines, qui s’effectuera désormais en dehors de tout contrôle des commissions paritaires (supprimées par la loi Darmanin), permettra à l’administration de gérer les moyens à l’échelle de « réseaux d’établissement » et de régions entières qui sont appelées par le gouvernement à s’élargir grâce à la fusion des académies (comme c’est le cas des académies de Rouen et de Caen).
La réforme Blanquer du lycée est l’instrument privilégié de cette nouvelle politique, dans la mesure où elle permet de casser la gestion des postes disciplinaires par établissement, par le moyen de la réduction des horaires des disciplines, par celui de leur dépendance à la demande locale des élèves (des matières qui ne seront pas demandées en spécialité seront menacées), et enfin par le moyen de la création de pseudo enseignements pluri-disciplinaires comme HLP. Cette réforme en est à sa première année; elle n’a pas encore produit tous ses effets. Mais on sait déjà que des disciplines comme certaines langues, comme SVT et la philosophie, vont se trouver progressivement menacées par sa mise en œuvre (la philosophie par exemple par la suppression l’an prochain de 2500 classes de TL, comportant 8 heures de philosophie). Un certain nombre de disciplines d’enseignement vont ainsi subir des pertes : il faudra supprimer des postes dans un certain nombre d’établissements, il faudra multiplier les postes sur 2 ou 3 établissements, il faudra conduire de plus en plus d’enseignants à « enseigner » des matières qui ne relèvent pas de leur compétence.
C’est dans ce contexte que J-M Blanquer compte réformer le CAPES, pour habituer dès le départ les futurs certifiés à la précarité et à l’abaissement de leur discipline de recrutement, en s’adaptant à la polyvalence dans le cadre d’une politique d’établissement (remplacer des collègues absents, enseigner une discipline considérée comme voisine, effectuer des tâches
d’orientation en lieu et place des conseillers d’orientation dont la fonction est supprimée) et en acceptant la « mobilité » (nouvel emploi éloigné, reconversion et si cela ne suffit pas, « rupture conventionnelle »). En même temps que les nouveaux certifiés seront ainsi précarisés et flexibilisés, le ministère recourra au recrutement de plus en plus important de contractuels, employables sur une période de 6 ans et jetables à son terme car leur contrat risque de ne pas être renouvelé.
Du projet de réforme de la retraite par points à la déqualification des enseignants par la réforme du CAPES. Ce que la loi de transformation de la Fonction publique permet d’entamer, la réforme de la retraite par points, si elle est appliquée, le parachèvera : elle permettra d’en finir avec le statut de la Fonction Publique et d’ouvrir l’Education nationale à son démantèlement et à sa privatisation. Cette réforme ne se traduira pas seulement par une baisse considérable de la pension des fonctionnaires-enseignants, elle permettra, en supprimant le code des pensions civiles qui les régit, de supprimer une bonne fois leur statut. C’est un point très important. qu’on ne relève pas assez En tant que fonctionnaires d’Etat, les enseignants ne touchent pas un salaire mais un traitement, ils ne touchent pas une retraite mais une pension. Le code des pensions civiles oblige l’Etat à payer et leur traitement et leur pension de fonctionnaires, conformément à leur statut. Le projet de réforme de la retraite par points vise précisément à supprimer cette obligation en remplaçant le statut général par des liens contractuels, en transformant les fonctionnaires d’Etat en employés de droit privé (qui deviennent par là aisément licenciables comme le montre le récent décret du 31 janvier 2019 sur la « rupture conventionnelle » dans la Fonction publique)
De la retraite par points à la déqualification des enseignants par la réforme du CAPES, on voit quel est le chemin. Alors, plus que jamais, FO s’oppose à la réforme des retraites par points.