Communiqué du 11 février 2022
Blanquer, zélé serviteur de la Cour des Comptes
Le pas de deux de Blanquer et de la Cour des Comptes, complices pour en finir avec le cadre national et républicain de l’école.
Fin 2021, la Cour des Comptes a publié coup sur coup un rapport sur la gestion des absences des enseignants prétendant « garantir la continuité pédagogique », et une note sur l’enseignement scolaire préconisant « une école plus efficacement organisée au service des élèves ».
Après avoir inspiré, par des rapports antérieurs, l’alourdissement de nos obligations de service (décret du 20 août 2014), ou encore la réforme du baccalauréat, la Cour des Comptes entend désormais définir les prochaines « réformes » pour aller encore plus loin dans la remise en cause des statuts et de l’instruction. Le moins que l’on puisse dire est que ses préconisations sont Blanquer-compatibles.
ON PEUT DISCUTER DE TOUT, SAUF DES CHIFFRES… MAIS L’IMPORTANT EST CE QU’ON VEUT LEUR FAIRE DIRE
La publication, le 2 décembre, du rapport sur le non-remplacement des professeurs absents, a aussitôt donné lieu à de nombreux articles et commentaires dans la presse, sur les 10% d’heures de cours non assurées (selon la Cour des Comptes) et le coût des absences estimé dans le premier et le second degrés à 4 milliards d’euros.
Mais qui est responsable du tarissement des recrutements, des services morcelés, des conditions insupportables imposées aux TZR et aux contractuels, ces derniers devant parfois dépenser plus que leur (maigre) salaire pour aller faire des suppléances aux quatre coins des académies ? C’est bien le ministre qui est responsable de la suppression des postes. Or, la Cour des Comptes n’en parle pas !
Pour la Cour des Comptes, peu importe que les absences soient en grande partie dues au fonctionnement même de l’Education Nationale (on n’est pas devant sa classe quand on est en correction d’examen, en sortie scolaire, en formation…), et peu importe que la proportion d’enseignants absents pour cause de maladie ordinaire soit inférieure à celle des salariés du privé et des autres ministères (page 11 du rapport) ! Le mal est fait, et elle peut alors asséner ses préconisations.
POURSUIVRE LES RÉFORMES BLANQUER POUR ALLER PLUS LOIN DANS LA DESTRUCTION DES STATUTS
Pour la Cour des Comptes, même si le décret du 20 août 2014
(décret Hamon, combattu par FO) « a constitué une avancée » par l’élargissement des obligations de service, il faut aller encore plus loin dans la redéfinition de ces obligations et dans l’annualisation : « la nouvelle organisation du lycée et la réforme du baccalauréat constituent une opportunité pour réviser le rythme
de travail hebdomadaire des enseignants », « l’article 38 de la loi pour une école de la confiance ouvre des perspectives en prévoyant la possibilité, avec l’accord des professeurs, de réaliser des expérimentations modifiant la répartition des heures d’enseignement sur l’année scolaire » (page 66 du rapport) ; « annualiser
les heures de service des enseignants du second degré, afin, d’une part, de réduire les absences institutionnelles, notamment celles liées aux formations et au travail pédagogique, et, d’autre part, d’améliorer le remplacement des absences de courte durée des enseignants » (page 79).
Selon elle, toujours, il faudrait introduire la formation continue dans les obligations de service : « La Cour a explicitement pris position en faveur d’une intégration de la formation continue, en dehors des heures réservées aux enseignements, au sein des obligations réglementaires de service des professeurs du second degré, qu’il serait souhaitable d’annualiser » (page 67), « un calendrier des stages de formation continue en dehors du temps d’enseignement, au besoin pendant les vacances scolaires » (page 79). L’obligation de formation due par l’employeur serait transférée sur les agents. C’est une inversion de la charge qui est ainsi proposée d’autant plus qu’en matière de formation il s’agirait, en fait, d’une conformation aux réformes et aux modes pédagogiques.
Pour le SNFOLC, cette préconisation s’inscrit dans la continuité du protocole PPCR et de ses formations-formatages rendues obligatoires au nom de l’ « accompagnement individuel ou collectif ». C’est, par exemple, ce que subissent les professeurs des écoles avec les formations en constellations.
En intégrant la formation dans les ORS, on pourrait aussi se passer du décret du 6 septembre 2019, prévoyant une allocation de 120 € brut par jour pour les enseignants – volontaires – qui suivent une formation sur le temps des vacances scolaires. Le cheminement est clair : permettre les formations pendant les congés, puis les imposer sans rémunération supplémentaire.
De même (« Donner aux chefs d’établissement de réels moyens de limiter les absences de courte durée », page 71 du rapport), intégrer un volume horaire de remplacement de courte durée dans les obligations de service permettrait d’imposer ces remplacements à l’interne, sans rémunération puisque faisant partie des missions obligatoires.
Parmi les autres pistes évoquées, on trouve l’extension de la bivalence ou de la polyvalence pour les enseignants. La réforme du collège de la ministre Vallaud-Belkacem a déjà regroupé la SVT, la technologie, la physique-chimie dans un même volume horaire global de 4h en 6ème ; la cour des comptes s’inscrit dans la continuité : « La bivalence présente aussi des avantages pour les élèves en limitant le nombre de professeurs, notamment pour les plus jeunes en 6ème, dernière classe du cycle 3 ». Enseigner la SVT, la physique-chimie, la technologie, est-ce donc la même chose ?
S’appuyant sur les conclusions du Grenelle et sur la « continuité pédagogique » instaurée à la faveur de la crise sanitaire, la Cour des Comptes recommande une « continuité administrative », c’est à dire le suivi de l’activité des enseignants par tous les moyens y compris numériques. Elle préconise également le recours à des dispositifs de type « cours en ligne » sous la surveillance d’un assistant d’éducation, avec la possibilité de recourir à des heures supplémentaires ponctuelles pour les AED. C’est exactement ce que le ministre a présenté au CTM du 9 novembre 2021, en prévoyant le taux d’une HSE à 13,11 € bruts l’heure pour un AED !
Et voilà une autre façon pour le ministre Blanquer de faire des économies de masse salariale. L’ensemble des organisations syndicales FO, FSU, UNSA, CFDT, CGT, SNALC a voté contre cette mesure.
BLANQUER LE BON ÉLÈVE
Force est de constater que la politique du ministre Blanquer s’inscrit parfaitement dans les orientations de la Cour des Comptes. Outre la prise en charge par les AED de groupes pour surveiller des « cours en ligne », on peut relever :
– Le cumul Temps Partiel-HSA rendu possible par un décret du 12 octobre 2021
http://www.fo-snfolc.fr/com-snfolc-20211016-hsa/
– La loi Rilhac dans le premier degré https://fo-snudi.fr/2022/01/17/le-code-de-leducation-modifie-en-application-de-la-loi-rilhac-plus-que-jamais-le-snudi-fo-exige-son-abandon/ et l’expérimentation marseillaise
https://www.fo-fnecfp.fr/wp-content/uploads/2021/10/21-10-06-Communique-FNEC-FP-FO-retrait-experimentation-Macron-Blanquer.pdf
– La création d’un mouvement sur postes à profil (POP), préfigurant les recrutements par les chefs d’établissement http://www.fo-snfolc.fr/com-snfolc-20211008-mutation/
– Le projet de confier au chef d’établissement l’évaluation des enseignants parallèlement à la fusion-destruction des corps d’inspection des premier et second degrés https://www.fo-fnecfp.fr/le-ministre-veut-creer-des-quasi-inspecteurspour-mettre-au-pas-les-personnels-et-aggraver-laccompagnement-ppcr/
– La création d’une allocation de formation aux personnels enseignants dans le cadre de formations suivies pendant les périodes de vacance des classes, décret du 6 septembre 2019.
– La création d’une prime informatique pour anticiper les formations en ligne hors temps scolaire, et développer l’école à distance.
– L’évaluation des élèves en CP, CE1, 6ème, 2nde.
– Les campagnes d’« auto-évaluation » et d’évaluation « externe » des établissements http://www.fo-snfolc.fr/com-snfolc-20211022/
– Les protocoles locaux d’évaluation (PLE).
– La contractualisation entre des établissements REP+ et les rectorats, expérimentée dans 3 académies.
LE COÛT DE L’ÉCOLE
Dans sa note sur l’enseignement scolaire du 14/12/2021 (« une école plus efficacement organisée au service des élèves »), la Cour des Comptes affirme qu’ « en dépit d’une dépense nationale d’éducation supérieure à la moyenne de l’OCDE, la performance du système scolaire français tend à se dégrader ». Alors que les enseignants français figurent parmi les plus mal payés au sein de l’OCDE, alors qu’ils sont soumis à un temps de travail plus long que celui de leurs homologues, alors que la crise du recrutement s’avère chaque année plus criante, alors que le ministre rend chaque année au budget des millions de crédits non consommés, la Cour des Comptes n’explique pas ce paradoxe, préférant suggérer que l’école « ça coûte un pognon de dingue », pour reprendre une expression bien connue. Elle ne précise pas non plus si son chiffrage tient compte des 496 800 euros donnés au cabinet de conseil McKinsey… Mais ce n’est naturellement pas le but recherché, ce but étant, non pas d’élever le niveau d’instruction des élèves, mais de camoufler la décomposition de l’Education Nationale.
Performance, adaptation, dynamique d’établissements et de réseaux, autoévaluation… tout le vocabulaire du management est de mise pour franchir un cran supplémentaire.
TOUJOURS PLUS LOIN
« Les réformes pédagogiques, l’accroissement des moyens, les résultats des évaluations sur les acquis des élèves n’ont pas encore suffisamment permis d’améliorer la qualité du système éducatif français »… Le bon sens commanderait d’en finir avec les successions de réformes dont chacun peine à voir les retombées
positives, tant pour les élèves que pour les personnels, mais qui ont toutes en commun de réduire le nombre d’heures d’enseignement (annuellement, le volume total d’enseignement élémentaire pour l’ensemble des élèves était de 972 heures en 1980, il n’est plus aujourd’hui que de 864 heures). Que nenni ! La Cour des
Comptes choisit de dénoncer le caractère « rigide, uniforme et intangible » de l’organisation du service public de l’éducation, et prône une « refonte des modes d’organisation du système scolaire » par l’accroissement de l’autonomie des établissements et des prérogatives des chefs d’établissement, le développement d’expérimentations à grande échelle, l’évaluation des écoles et des établissements.
EN MARCHE VERS LA DESTRUCTION DES STATUTS ET DE L’ÉGALITÉ RÉPUBLICAINE !
D’après la Cour des Comptes, il faudrait renforcer les marges d’autonomie des établissements, permettre les recrutements par les chefs d’établissement, définir les services annuellement en y englobant aussi bien les heures d’enseignement que les missions annexes, moduler les programmes en fonction des projets d’établissement, etc.
Tout cela pour soi-disant améliorer la performance du système éducatif ! Mais de quelle performance s’agit-il ? Les indicateurs de la Cour du Compte sont sans ambiguïté à ce sujet : la performance serait améliorée par la réduction des dépenses de l’éducation, la diminution du nombre de titulaires (« éviter des recrutements qui rigidifient son dispositif »), l’allocation des moyens en fonction de l’évaluation permanente du fonctionnement des établissements et des résultats des élèves.
Bref, il faudrait mettre à bas, atomiser toute l’architecture de l’éducation nationale !
Ne nous y trompons pas ! Les membres de la Cour des Comptes poursuivent une orientation dictée par des considérations économiques libérales incompatibles avec l’égalité républicaine. Ils indiquent dans leurs publications ce que devront être les prochaines réformes du prochain ministre de l’Education !
LES REVENDICATIONS DU SNFOLC
Le SNFOLC dénonce la rupture d’égalité entre les élèves du fait du non remplacement des professeurs absents et rappelle que l’Etat doit se donner les moyens d’assurer la continuité du service public sur tout le territoire de la République conformément à l’alinéa 16 du préambule de la constitution de 1946. Pour assurer le remplacement des professeurs absents, le SNFOLC exige l’arrêt des suppressions de postes aux concours (2090 postes en moins au CAPES externe entre 2017 et 2022, alors que le nombre d’élèves augmentait…) et le recrutement d’enseignants à la hauteur des besoins.
Le SNFOLC revendique l’abrogation des contre-réformes comme le décret du 20 août 2014 qui ajoute de nouvelles tâches et missions aux heures de cours des enseignants, le décret du 11 avril 2019 qui permet d’imposer une deuxième HSA aux professeurs non volontaires, le décret 6 septembre 2019 qui autorise l’administration à imposer des formations pendant les vacances scolaires…
Pour rétablir l’égalité de traitement entre tous les lycéens, le SNFOLC exige l’abrogation de Parcoursup, des réformes Blanquer du baccalauréat et du lycée.
À l’heure où la réforme du lycée et du baccalauréat est plus que jamais remise en question, il est possible d’obtenir le rétablissement des épreuves nationales, terminales et anonymes du baccalauréat !
Ce sont les revendications portées par plus de 14 000 signataires par le biais de la pétition FNEC FP-FO, SNES, SNEP, CGT, SUD et SNALC, avec les associations de professeurs spécialistes APHG, APBG, APLV, APPEP, APSES, UDPPC, CNARELA et APMEP, avec les syndicats lycéens La voix lycéenne et MNL.
Le SNFOLC considère que cette pétition constitue un point d’appui important.
Le SNFOLC appelle les personnels à signer et faire signer massivement cette pétition, et à se réunir pour adopter des prises de positions, dans l’unité la plus large, et discuter des initiatives pour rétablir le baccalauréat national, en lien avec les mobilisations en cours sur l’ensemble des revendications : salaires, postes…
Élections présidentielles ou pas : il est urgent d’obtenir de ce gouvernement, ou du futur, le rétablissement du Baccalauréat national, comme diplôme national et premier grade universitaire.